La drague n'est pas un phénomène saisonnier, mais avec le printemps et les hormones en ébullition le macadam devient le terrain d'une vraie démonstration de force. Parmi les concurrents, il y a les vrais séducteurs et les pires boulets. En matière de techniques pourries, certains sont les rois. En avant pour un petit tour d'horizon.
Dans la catégorie « J'ai bien compris qu'un mâle devait être protecteur et rassurant pour attirer la femelle », il y a le mec, sûr de lui et de son porte-feuille, qui t'aborde, sans gêne avec une fiche d'identité d'un nouveau genre : « Philippe. Célibataire. Signe particulier : un salaire de 7 000 euros par mois. Tu viens chez moi ? ». Ouais, il gagne de l'argent, et alors ? Il va quand même pas te le laisser sur ton oreiller en partant. Ce mec te prend soit pour une pute, soit pour une fille vénale. Il y a quand même mieux pour te séduire.
Dans le genre « Je suis le rescapé des temps cromanesques - « Moi homme fort. Moi te protéger ! » -, certains n'hésitent pas à plonger tête baissée dans le ridicule. Bien sûr, l'humour est une qualité essentielle. Mais les loosers devraient apprendre à différencier les deux. Le ridicule, c'est se lancer dans une démonstration de force, en plein bus, pour impressionner sa proie. Hop ! Le balèze se met entre les deux rangées de fauteuils et attrape les barres pour faire quelques tractions. Whaou, les beaux biscotos ! C'est impressionnant, c'est sûr... C'est surtout très révélateur : le dragueur qui t'a malheureusement prise pour cible doit être « gros muscles et cervelle en petit pois ».
Dans le même style, il y a celui qui se la joue sauveur. Ok, ton ordi en panne est un peu lourd, mais pas autant que lui. Tu aurais une barrette dans ton sac, ce serait la même chose : la raison de vivre de sa drague, c'est la jeune fille en détresse. Le plus marrant c'est qu'il a le biceps en manque d'épinards et qu'il croule sous le poids de l'engin. Pas de bol. Il est obligé de le déposer à tes pieds et de reconnaître sa défaite. Pour l'assommer pour de bon et le laisser sur place avec un coup de massue, tu soulèves ton mac-pc sans problème.
Parmi les techniques de drague, il y a l'éternel chapelet : « Tu me dis quelque chose », « On se connaît, non ? », « Je suis sûr t'avoir déjà vue quelque part », etc. Le fumeur taxe une clope et en profite pour te déverser son discours rodé. Il y a aussi les imaginatifs, du genre « Tu ne fais pas partie de mon cours de lambada ? Non ? C'est pas grave. Je suis ton homme ! Je peux t'enseigner toutes les positions ». Gros clin d'œil appuyé. Gros lourd. A l'inverse du « Je te connais », il y a les rois du « malheureusement, je ne te connais pas, sinon je me souviendrais de toi ». C'est con, mais tu te souviens parfaitement de son petit manège. Aujourd'hui, il te fait le coup sur le quai du métro, mais, la semaine dernière, c'était idem aux rayons du supermarché, entre le riz et la purée.
Parmi les pires dragueurs, il y a aussi celui qui ne doute de rien. Il fonce sur toi avec la banane (pas d'esprit mal placé, même si tu peux...) et te tend un papier : « Charmante demoiselle, vous avez perdu un papier ». Oui, bien sûr. Tu sais quand même ce que tu as dans tes affaires, et puis on t'a déjà fait le coup. « Merci, mais ce n'est pas à moi ». Voilà, il repart, la queue entre les jambes, avec son numéro de téléphone. Dans le genre insupportable, il y a celui qui te regarde droit dans les yeux et te balance : « La vérité, tu as les yeux qui sentent le cul ! » ou « Je le lis dans tes yeux, tu as trop envie de moi ». Quel bouffon, s'il ne sait pas distinguer une grosse crève qui te file les yeux brillants et un désir incontrôlable, il est bien mal barré dans la vie.
Le plus imaginatif - qui avec un peu de subtilité pourrait devenir touchant, charmant - c'est celui qui te met dans l'embarras. Plusieurs moyens sont à sa disposition. Au moment où la porte se referme, il peut courir pour jouer les victimes : « Mademoiselle, vous allez devoir vous excuser, vous venez de me casser le nez ». Bredouillements, rouge aux joues. Alors que le « Pardon » a du mal à arriver, il te sauve la mise - ou t'entraîne plutôt dans son piège - avec un « Vous me devez un verre ». S'il se prend trop au jeu, la première partie peut être assez agressive pour te faire renoncer à tomber dans ses filets.